Loi ELAN : l'arbre qui cache la plateforme

  • par Quentin
  • 25 juin, 2018

Le projet de loi ELAN, bientôt en discussion au Sénat, renforce les sanctions pour les locations "Airbnb" illégales. Mais laisse les petites communes le bec dans l'eau...

C'était une demande forte des municipalités. Lors de la publication du Projet de loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), le Gouvernement avait annoncé une avancée majeure dans l'encadrement des plateformes de location de meublés de tourisme (plateformes de type "Airbnb"). En insérant dans ce texte les sanctions pour les plateformes et les loueurs mettant en ligne des annonces illégales au regard de la procédure d'enregistrement votée deux ans auparavant, le Gouvernement comblait un vide laissé par la précédente majorité. 

Si l'on ne peut pas reprocher un certain volontarisme au Gouvernement concernant le niveau des sanctions (jusqu'à 50.000€ pour une plateforme publiant une annonce illégale, jusqu'à 10.000€ pour le loueur), force est de constater que les territoires ruraux ont été les grands oubliés de cette nouvelle loi.

Les petites communes, grandes oubliées de la loi

En effet, le Gouvernement a conservé une rédaction qui liait la procédure d'enregistrement à la mise en place préalable d'une autre procédure, qui permet aux communes de réguler le changement d'usage des locaux d'habitation. L'objectif de ces deux procédures est différente, mais l'application de l'une dépend donc de l'application de l'autre. Or, si "l'autorisation préalable au changement d'usage" est automatique dans les grandes métropoles, elle pose de sérieux problèmes de mise en place dans les plus petites collectivités. Ainsi, une commune savoyarde de 500 habitants à l'année qui souhaiterait contrôler la mise en location des lits de sa petite station de sports d'hier pour optimiser la collecte de sa taxe de séjour serait obligée :
  • de demander l'autorisation au Préfet afin de mettre en place une procédure administrative visant à protéger l'habitation en zone tendue ;
  • d'appliquer concrètement cette mesure sur le terrain en gérant une par une chaque demande
  • d'effectuer un contrôle de chaque dossier 
  • d'élargir les permanences municipales pour permettre l'accueil des particuliers.
Or, le lien entre ces deux procédures ne tient d'aucune nécessité juridique. Il est donc tout à fait possible d'envisager le détachement de l'enregistrement et de l'autorisation préalable au changement d'usage. Cette modification serait entièrement au bénéfice des petites et moyennes communes touristiques, souhaitant contrôler leur parc locatif et l'application de la juste fiscalité sur les meublés de tourisme.

Un point sur la loi

La loi du 7 octobre 2016 "pour une République Numérique" (consultable ici) a mis en place la première étape de l'encadrement des locations de meublés de tourisme. Elle a modifié l'article L.324-1-1 du code du tourisme afin de créer un téléservice d'enregistrement des meublés de tourisme.

Concrètement, l'ensemble des communes ayant mis en place l'autorisation préalable au changement d'usage (telle que définie aux articles L631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation) peuvent, par le biais d'une délibération en Conseil municipal, imposer aux loueurs d'enregistrer leur bien avant la mise en location, et aux plateformes de bloquer les biens ne présentant pas de numéro d'enregistrement. Les plateformes sont également tenues de bloquer les annonces de location de résidences principales dépassant le plafond de 120 jours de location annuelle par leur intermédiaire.

Alors que la loi pour une République Numérique avait renvoyé à un décret ultérieur la publication de sanctions pour le non-respect de cette mesure d'enregistrement, le nouveau Gouvernement a fait le choix d'inclure ces sanctions dans la nouvelle loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN - article 51). A l'heure actuelle, ce projet de loi est en cours d'étude par le Sénat. Son vote définitif est prévu pour la rentrée de septembre 2018.